Née en février 1983 d’une mère inuite, travailleuse sociale et d’un père ouvrier et leader syndical, Jennifer a reçu très tôt l’encouragement de ses parents pour poursuivre ses études. Elle a étudié les sciences sociales au Collège John-Abbott de Montréal et la sociologie à l’Université Concordia. Cette aspiration à améliorer la vie des Inuits du Nunavik, la présidente de l’Administration régionale Kativik (ARK) l’a développée grâce aux témoignages de trois femmes inuites d’exception reconnues pour leurs réalisations et leur ardeur à soutenir l’identité et la culture inuite, nommons Minnie Grey, Mary Simon et Sheila Watt-Cloutier.
Aujourd’hui mère de deux enfants de 11 et 13 ans, la leader ayant grandi à Kuujjuaq nous dit « Je me bats pour mon peuple, pour préserver son identité, son mode de vie, sa langue et l’usage de ses terres ». Affirmant sa fierté d’être Canadienne, elle rappelle la nécessité d’exprimer avec énergie, la vision, les valeurs et les rêves du peuple inuit du Nunavik sur les scènes politiques du Québec et du Canada. Accueillante, la jeune femme déterminée rappelle la pertinence d’un appui inconditionnel à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. « La discrimination jadis infligée aux peuples autochtones n’est pas très lointaine… Il faut se rappeler les combats pour le respect des droits des peuples autochtones, les abus dans les milieux scolaires et le massacre des chiens de traîneau par les policiers dans les années 50 et 60. Heureusement, la Convention de la Baie James et du Nord québécois, et les ententes qui ont suivi, ont permis au peuple inuit de se tenir debout et de négocier les usages du territoire, le financement de nos sociétés, etc. ». Avec l’écho d’un père jadis présent dans la gouvernance locale, Jennifer, maîtrisant l’inuktitut, l’anglais et le français, a développé un amour de la chose politique lorsqu’elle siégeait sur le conseil étudiant de l’école secondaire. « Je souhaite que mes enfants aient une ouverture sur le monde dans notre société globalisée. Avec regret, je constate le haut niveau de décrochage scolaire au Nunavik et cela me brise le cœur ! Il est impératif que notre peuple ait un accès à l’éducation post-secondaire ici à Kuujjuaq ».
« Le défi de notre peuple est de développer la capacité de s’adapter aux marchés globaux et à la monétarisation de tous les biens et services tout en conservant la culture et le mode de vie inuits établis sur les ressources de la terre. Nous devons nous assurer que la voix des Inuits soit entendue sur les tribunes canadiennes et internationales. » D’autres défis globaux préoccupent la leader, notamment l’adaptation aux changements climatiques. « Les changements de l’environnement et des écosystèmes perturbent déjà les pratiques de chasse et de pêche et mettent en péril la sécurité alimentaire. Des approches communes de protection de l’environnement à toutes les échelles (régionale, nationale, internationale) deviennent essentielles et les Inuits en font partie ».
Les chantiers qu’elle anime au conseil de direction de l’ARK sont complexes et touchent la vie de tous les Inuits du Nunavik. Elle rappelle d’abord les négociations avec les différents paliers de gouvernement pour obtenir les ressources nécessaires visant à améliorer le fonctionnement et la qualité de l’éducation. Elle ajoute : « les efforts de tous les acteurs doivent viser l’amélioration des services publics qu’il s’agisse de santé, d’accès au logement, de stratégie alimentaire, de lutte contre les dépendances à l’alcool et aux drogues, ce qui inclut l’accès à un lieu de traitement pour les personnes affligées ».
En guise d’épilogue, Jennifer jette un regard sur les valeurs qu’elle souhaite partager. « L’usage de la langue inuktitut et un rapport sain avec la terre nourricière est notre gage de survie. Le partage de cette richesse est un trait commun de nos communautés, comme se fait d’ailleurs le partage des résultats de la chasse. Notre peuple est accueillant et on lui reconnaît un grand respect des ainés. L’entraide envers ceux et celles dans le besoin et l’humilité sont aussi des valeurs que l’on m’a enseignées… ».
Lorsque vous rencontrez un Inuit de l’Arctique, vous notez tout de suite son enthousiasme lorsqu’il parle de son territoire. Eh bien, le visage de Jennifer se réjouit lorsqu’elle conte ses aventures d’hiver : la pêche sur les lacs gelés ou sur la rivière Koaksoak – imaginez les grosses prises d’omble arctique !