Physicien et doyen des sciences à l’Université de Moncton
L’entrevue avec le spécialiste canadien de l’état solide des matériaux (sciences physiques) se déroule dans le laboratoire du Dr. Ashrit et dans le bureau de doyen de la Faculté des sciences de l’Université de Moncton, qu’il occupe depuis 2017. L’homme d’une grande gentillesse et d’une humilité certaine expose un parcours d’exception qui fait preuve d’une grande capacité d’adaptation. Bien connu dans la communauté scientifique de Moncton, le nouveau patron du développement des sciences pures et appliquées de l’Université a démontré au cours de la carrière des habiletés humaines et relationnelles qui vont bien au-delà de la complexité des équations de mathématique et des principes de physique optique.
En présence de sa conjointe Anita, ingénieure et de leur fille Meeta, la langue maternelle, le kannada, demeure la langue parlée à la maison. Il s’agit de la langue de la province du Karnataka, un état prospère du Sud de l’Inde d’où émerge aujourd’hui le développement de nouvelles technologies informatiques. Bien que le physicien né en mai 1957 dans la grande ville d’Hyderabad maîtrisait déjà les deux autres langues officielles du pays, soit l’hindi et l’anglais, il a relevé le défi de l’apprentissage du français dès son arrivée à Moncton en 1982 comme chercheur postdoctoral au Département de physique de l’Université de Moncton. « Venant d’un pays où une multitude de cultures et de langues se côtoient, l’apprentissage de la langue n’a pas été si difficile ! Mes cours d’immersion m’ont permis d’apprécier la beauté et le caractère poétique de la langue française », dit-il. Il a défendu sa thèse de doctorat sur les couches minces conductrices à l’électricité en 1983 et il obtint son diplôme de Ph.D. en 1984. La conduite de travaux de recherche à l’Université Laval (ville de Québec) entre 1985 et 1987 et l’opportunité d’un poste de professeur au sein du campus francophone de l’Université de Moncton devenaient des conditions gagnantes pour maîtriser l’apprentissage de l’une des deux langues officielles du Nouveau-Brunswick.
Les travaux qu’il dirige à l’Université de Moncton et dans le Groupe de recherche sur les couches minces et la photonique (GCMP) qu’il a co-fondé trouvent des applications dans les sphères des surfaces optiques, des panneaux solaires et des fenêtres intelligentes (régulatrices de la lumière reçue et de la chaleur transmise). « Les propriétés conductrices des couches minces (ordre de dizaines de nanomètres d’épaisseur) appliquées aux panneaux solaires et autres dispositifs apparentés représentent une solution pour la gestion de l’énergie partout dans le monde. Ne pouvant plus compter sur une dépendance aux hydrocarbures, des formules hybrides de production d’énergie – comme l’énergie photovoltaïque, l’énergie éolienne, l’énergie hydroélectrique etc. doivent devenir des priorités de nos sociétés. Le Canada a le savoir-faire, les ressources et le territoire pour développer les technologies d’énergies alternatives et les mettre à profit. Cela est démontrer une consommation environnementalement acceptable et une gouvernance responsable de l’utilisation des ressources naturelles ». En 2017, il recevait du Conseil de recherches en sciences naturelles et génie (CRSNG) du Canada en partenariat avec une compagnie privé un financement important pour développer une pellicule ultramince réfléchissante sur les vitres des cockpits des avions commerciaux afin de dévier les rayons laser provenant d’utilisateurs malveillants. « Cela pourra engendrer des retombées au niveau canadien et international dans l’aéronautique ». Cette proximité avec les environnements de haute altitude était déjà connue chez le chercheur. D’ailleurs, au cours de la période 1995 à 1998, il a réalisé de nombreuses expériences en microgravité avec l’Agence spatiale canadienne, visant à concevoir et fabriquer des matériaux organiques. Les dispositifs afférents ont fait l’objet de protocoles expérimentaux lors d’une sortie dans l’espace de la navette spatiale Discovery de la NASA en 1998.
Avide de découvrir les cultures étrangères, il a beaucoup voyagé en Europe et au Canada avec son épouse et sa fille Meeta. Dans l’esprit de favoriser un rapprochement des cultures, il a été président de l’Association indo-canadienne de Moncton. Dans ce cadre, il tenait annuellement un kiosque au cœur du Village du monde inscrit à la programmation du Festival Mosaïq. C’est avec fierté que le père et la fille exprimaient leur plaisir de faire connaître l’Inde, ses cultures, ses traditions culinaires aux citoyens de Moncton. Pour Meeta, cet événement était au cœur de l’expérience multiculturelle d’être canadienne et de partager ses origines culturelles. Le journal Acadie nouvelle rapportait d’ailleurs en juillet 2014 les propos suivants: « Souvent, les gens on peur de l’inconnu, et une fois qu’on commence à en connaitre davantage, on se rend compte qu’il y a de belles choses dans les différentes cultures et c’est très enrichissant, soutenait le Dr. Ashrit ». D’ailleurs, ce dernier se dit très fier du cheminement de sa fille. Elle est détentrice d’un baccalauréat en psychologie et s’exprime parfaitement en français et en anglais. Cette dernière a d’ailleurs eu la possibilité de visiter de nombreuses régions du pays, d’ouest en est.
En plus de ses fonctions de doyen, il continue de diriger les travaux d’étudiants gradués. Alors qu’il a soutenu ans de nombreuses organisations à caractère social propres à la communauté de Moncton, il dit adorer le « style de vie » canadien empreint de dynamisme et d’action. En plus de la pratique du tennis, du badminton et du golf, il se consacre au yoga. Bénévole au sein de la Fondation canadienne du rein, il reconnaît la valeur et la qualité du filet social canadien. C’est d’ailleurs avec beaucoup de gratitude qu’il souligne le très grand professionnalisme et la générosité du personnel soignant de l’hôpital universitaire Georges-L.-Dumont de Dieppe. Encore une autre manifestation de la qualité de vie au pays !
Interrogé sur sa vision des valeurs, le scientifique et humaniste croit au dépassement de soi, au sens de l’initiative, aux valeurs du travail et à la saine compétition pour atteindre l’excellence. « Étant une petite université des maritimes, nous devons redoubler d’efforts pour atteindre nos cibles de recherche et d’enseignement. L’épanouissement du peuple acadien passe aussi par le développement des sciences et par la formation d’étudiants de tous les cycles universitaires qui pourront occuper des postes stratégiques dans notre société avancée. Plus qu’avant, les technologies employées dans tous les domaines d’affaires et notre rapport aux ressources naturelles devront respecter les principes de durabilité et être en phase avec les obligations de protection de l’air, de l’eau et de l’environnement ». Le leader est aussi porteur d’une vision de développement social et économique centrée sur les bénéfices au profit des acadiens et des Canadiens. « Nous exportons beaucoup de nos ressources naturelles à l’étranger et nous sommes fortement dépendants des biens produits à l’étranger. Une société meilleure sera celle où nous pourrons investir davantage dans la fabrication de produits ici au Canada ». Cette remarque sur la souveraineté économique n’oblitère pas les besoins d’échanges continus entre gens d’origines culturelles différentes, ce que définit le muticulturalisme canadien. « Après tout, nous sommes un pays de changements bâti par les immigrants qui ont contribué à façonner notre identité commune et notre grande richesse culturelle. C’est justement dans ce cadre que s’inscrivent les valeurs de notre université : égalité – diversité – inclusivité ».
En épilogue, il rappelle des principes communs aux étudiants, aux décideurs et aux élus : « Agissons individuellement et collectivement comme gardien des valeurs proclamés par la Charte des droits et libertés de la personne (1982) : la liberté d’expression, le respect des droits individuels, le droit au bilinguisme. Soutenons les principes de services publics et des investissements en santé et en éducation. Cultivons la valeur d’ouverture envers autrui ».