Juriste et leader canadien des droits de la personne
Avocat et homme de culture né en janvier 1948 à Wroclaw, Pologne, il s’exprime en anglais, en français, en polonais et en russe. Me Grey est un acteur de premier plan des droits de la personne depuis des décennies. Il a été président de la Fondation canadienne des droits de la personne de 1985 à 1988. Admis au Barreau du Québec en 1974, il est reconnu pour son expertise de haut niveau relative aux libertés individuelles. Me Grey qui intervient dans les dossiers de droit criminel, de droit administratif, de droit constitutionnel et de droit de l’immigration est l’un des très rares juristes canadiens qui a plaidé à la cour suprême du Canada plus de cinquante fois !
Porteur d’une vision humaniste pour le Canada du 21e siècle, il a été chroniqueur au Journal de Montréal. Il est conférencier et il participe aux débats publics traitant des enjeux de libertés individuelles et de droits de la personne. Le travailleur acharné a signé l’ouvrage Capitalism and the Alternatives aux Éditions McGill-Queen’s en 2019 dans lequel il donne sa vision sur le cadre d’une social-démocratie enrichie par le respect des libertés, une culture commune et des valeurs généralement partagées. Pour l’auteur, la réduction des inégalités sociales, économiques et politiques est salvatrice, tout comme la libération des impacts et dictats rattachés au néolibéralisme.
L’entretien se déroule dans le salon de Monsieur Grey où les livres et les enregistrements de musique garnissent les murs. C’est là que l’on découvre son amour pour la musique classique, des grands compositeurs baroques à ceux du 18e, 19e et du 20e siècle. Pour le passionné de littérature d’expression anglaise, française ou russe, la pratique du piano fait aussi partie des moments de détente. Se qualifiant de grand lecteur, il dévore les romans, les nouvelles ainsi que les ouvrages historiques, sans oublier la lecture quotidienne des quotidiens. Grand amateur d’opéra et cinéphile, il dit apprécier les œuvres de François Truffaut, de Frederico Fellini et de Woody Allen, tous de grands commentateurs de la nature humaine et des sociétés.
Les intérêts pour les affaires publiques et la vie intellectuelle se sont exprimés à l’enfance pour cet immigrant polonais qui arriva à Montréal en 1957. Fils d’un comptable, il a suivi la formation de droit à l’Université McGill. Il a aussi complété une maîtrise en littérature russe à l’Université McGill et une maîtrise en droit de l’Université Oxford (Angleterre). Il a été membre de la Faculté de droit de l’Université McGill de 1978 à 2003 en plus d’enseigner à l’Université de Montréal. Père de trois enfants, il a été associé au Nouveau Parti démocratique du Canada. Il a alors participé aux campagnes électorales de Charles Taylor (professeur philosophie de l’Université McGill) en 1963, 1965 et 1968. C’est dans cet écosystème politique qu’il a rencontré Tommy Douglas († 1986) et côtoyé des leaders et élus tels Desmond Morton († 2019), David Lewis († 1981), Ed Broadbent, Jack Layton († 2011), Audrey McLaughlin et Thomas Mulcair. Ayant certainement été influencé par ces architectes des politiques sociales du pays, ses lectures et ses écrits touchent également aux grands enjeux de société, au pouvoir et à l’amour romantique. D’ailleurs, il lance : « j’avais des ambitions d’écriture littéraire lors de mes années d’études ».
Dans les livres et articles que Me Grey a publiés, le système de valeurs sociales-démocrates est la toile de fond. Il y est question de l’égalité entre les individus, des libertés individuelles et de l’accès aux programmes publics. Les dispositions des chartes canadienne (1982) et québécoise (1975) des droits et libertés de la personne, protègent les droits et libertés fondamentaux tels que ceux de penser, de s’exprimer, de conscience, de religion, d’association et enfin de droit à l’opinion dissente. Pour le penseur, la reconnaissance et la pratique de ces valeurs s’accompagnent de corollaires. Pensons au droit à la qualité de vie ou à une condition économique décente, de même que le droit à un environnement sain, soit l’un des enjeux les plus importants du monde moderne, comme l’avait annoncé Rachel Carson dans l’ouvrage Silent Spring en 1962 ! Pour celui qui a grandi dans une famille juive située à gauche du spectre politique, les décisions des élus devraient refléter avec résonance des acquis de la société canadienne tel le respect des droits des travailleurs, l’accès à des soins de santé et des programmes sociaux, l’accès à une pension décente, le non-militarisme et la promotion de la paix dans le monde. Celui qui a défendu les droits de nombreux groupes minoritaires dans le plus haut tribunal du pays, se dit favorable à l’intégration des immigrants au sein d’une culture commune, soit la fusion d’individus ou de groupes culturels différents à une seule société solidaire. C’est ce qu’il a exposé dans ses écrits et dans plusieurs interviews. Par ailleurs, le respect des droits des minorités linguistiques comme ceux des anglophones au Québec ou des francophones hors Québec n’est pas un objet de négociation, cela est un droit protégé. C’est dans le respect des libertés de religion que Me Grey a exposé ses convictions dans le cadre des audiences de la Loi sur la laïcité de l’État ou projet de loi 21. Comme relaté par la Presse canadienne en décembre 2020, Me Grey a plaidé en soutien de la Commission canadienne des droits de la personne et de la Quebec Community Groups Network en évoquant que les dispositions du projet de loi étaient contraires à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne, en interdisant aux écoles anglaises d’embaucher les enseignants qu’elles souhaitent, sans discrimination religieuse. La loi 21, aujourd’hui en vigueur, interdit aux policiers et aux enseignants de porter des signes religieux. Il était également mentionné par l’organisme de presse que Me Gray avait plaidé pour le principe fondamental d’égalité des sexes (article 28 de la Charte canadienne). Par l’application de l’interdiction des signes religieux pour certains travailleurs, la loi 21 ne « libère pas les femmes » mais jugerait plutôt leur religion. Pour le juriste, les interdits appliqués au port des signes religieux sont nettement contraires aux libertés de religion et de conscience protégées par la Charte canadienne. « Il est certain que le cadre de la laïcité de l’État ne peut pas s’imposer par la force. Au surplus, le port d’un foulard, du hijab, de la kipa ou du kirpan ne représente pas une nuisance à quiconque. Peut-on penser que l’État va un jour règlementer le code vestimentaire des citoyens ? ! »
À la question sur la découverte de sociétés ou de lieux qui lui sont peu connus, il répond les cultures et les gens du Grand Nord canadien. Pour terminer, que dire aux jeunes ? « Continuez à apprendre tout au long de votre vie. Valorisez l’amour dans vos relations humaines. Mettez une priorité sur le respect des libertés individuelles. Facilitez l’apprentissage du français et de l’anglais autour de vous".