« Venir au Canada »
Par : Susan Ditchburn
Mon mari et moi sommes venus au Canada en 1968 en prévoyant y rester deux ans. Cinquante ans plus tard, nous y sommes toujours! En 2016, beaucoup d’événements dans le monde nous ont convaincus qu’il fait bon rester ici – la crise des réfugiés, le « brexit », les élections controversées, le terrorisme et le racisme pour n’en nommer que quelques-uns. Et nous sommes là, au Canada, dans ce pays d’une beauté à couper le souffle, avec son souci des autres et sa diversité culturelle. Prenons une pause et célébrons, et choisissons nos prochaines étapes prudemment en cette époque où les changements sont devenus la norme et où les possibilités sont infinies. J’ai écrit la lettre suivante à mon petit-fils pour lui parler de son grand-père et de mon aventure dans ce merveilleux pays.
Cher Nicholas,
Alors que je t’écris ce matin, je pense que si nous n’étions pas venus au Canada, tu n’existerais pas! C’est pourquoi je crois que notre aventure devait être, parce que toi, tu devais être. Grampie et moi étions tous les deux enseignants à Melbourne, la ville où nous avons grandi. Grampie avait un mentor, un homme plus âgé ayant un poste plus élevé dans le système scolaire de Victoria. Il avait entrepris un projet d’études supérieures à l’université d’Alberta avec le Dr Jack Cheal et son expérience a servi de catalyseur à Grampie qui désirait suivre ses traces. Pour entreprendre ses études, Grampie n’avait le choix qu’entre trois universités : l’université d’Alberta, l’université de Calgary et l’université de Colombie-Britannique. Le Dr Cheal se trouvait à Calgary lorsque le programme d’administration pédagogique a été instauré.
À cette époque, en 1968, l’université de Calgary n’était fondée que depuis 2 ans. Auparavant, elle n’était qu’une ramification de l’université d’Alberta : l’université d’Alberta à Calgary. Pendant des années, cette dénomination en a irrité plusieurs. Calgary était une ville dynamique qui se développait rapidement, et de nombreuses personnes estimaient qu’elle n’avait pas besoin, ne méritait pas ou ne désirait pas ce type de dépendance. Des protestations ont commencé se soulever, dirigées par de petits groupes d’étudiants qui demandaient le statut officiel en brandissant des banderoles. Lorsque nous sommes arrivés, le campus n’était constitué que de quelques immeubles épars s’étendant sur une prairie; il y avait le bloc administratif, le Mac Hall, la bibliothèque et la faculté de l’éducation si je me souviens bien. À notre grande surprise, nous voyions fréquemment des camions livrer des arbres que l’on transplantait sur le terrain. Cette année, en 2016, nous fêtons les 50 ans de l’université de Calgary puisque sa charte a été obtenue en 1966.
Toutefois, à notre arrivée, en 1968, nous étions loin d’en avoir terminé avec les formalités — des renseignements erronés avaient fait en sorte qu’on nous avait donné des visas d’« étudiants mariés » même si je m’étais assurée d’avoir un emploi de professeur en arrivant et que nous aurions dû avoir des visas d’immigrants reçus – pour une femme avec emploi et un mari à charge! Notre statut signifiait que nous ne pouvions rester qu’une seule année, avec une prolongation possible de nos visas. Grampie avait besoin de deux ans pour obtenir son diplôme et nous avons pris la chance de rester. Nous espérions pouvoir rester deux ans... il y a 50 ans de cela.
Nous avons pris un vol pour la Nouvelle-Zélande où nous avons habité une semaine chez les amis d’un ami, puis nous nous sommes envolés pour Hawaii et Vancouver où nous avons pris le train pour traverser les Rocheuses. Aux premières lueurs de l’aube, nous nous sommes réveillés pour nous rendre au wagon d’observation et voir le lever de soleil sur les montagnes. Quelle vue magnifique! Les montagnes majestueuses étaient baignées d’or et de rose. Nous avons vu des animaux sauvages, dont un orignal – que l’on voit rarement en raison de sa timidité. Ce fut une journée tellement romantique : des porteurs en tartan attendaient les invités aux hôtels Banff Springs et Château Lake Louise. Du haut de notre perchoir, nous avons regardé comme des invités de marque, nos bagages se faire transporter rapidement jusqu’aux impressionnants hôtels du CP, un projet qui avait permis de créer des emplois pendant les années de grande dépression.
Tu y as passé des vacances avec ton ami Clayton dont la famille réserve des chambres au Banff Springs toutes les fins de semaine d’hiver. Là, pour la première fois, tu as goûté à la cuisine japonaise et lorsque tu es revenu à Calgary tu as déclaré avec conviction « Je n’ai mangé que des plats japonais à l’hôtel Banff Springs! »
À Calgary, la proximité des montagnes est l’une des grandes attractions de la ville. Les arches magnifiques semblent embrasser l’horizon. Très tôt le matin, ils sont roses, avec un léger voile blanc dû au Chinook et que l’on peut apercevoir sous certains points de vue en regardant le ciel, c’est comme si on pouvait le toucher. Aujourd’hui, nous vivons à Canmore, aux limites du parc national de Banff, et nous n’avons jamais cessé de nous émerveiller de la présence impressionnante des montagnes.
Vus de près, des pics de cette dimension semblent invraisemblables. Il est presque impossible de les imaginer en train de bouger sous l’effet des mouvements tectoniques. Chaque année, de longs embouteillages de touristes se forment sur la route du lac Louise alors que ses magnifiques eaux turquoise sont encadrées par le glacier. En hiver, autour du Château si romantique, les sculptures de glace captent les rayons du soleil sur la berge du lac, les patineurs glissent doucement sur ses eaux glacées et les invités se promènent en calèche, enfouis sous une couverture de fourrure. En été, des randonneurs sillonnent les sentiers et des canots – l’une de nos icônes les plus canadiennes – dérivent doucement sur la surface transparente et scintillante du lac.
Avec tout mon amour,
Grammie