Par Liberty Silver
Grandir à Peterborough dans une famille d’adoption britannique était ma destinée et, dans l’ensemble, j’ai eu une bonne vie. C’est la journée où j’ai commencé l’école publique que la réalité s’est brutalement manifestée à moi. Chaque entrée et sortie de l’école était un combat qui s’est vite transformé en stress quotidien, avec des cailloux qu’on me lançait, des insultes racistes et du harcèlement que je devais subir de la part des autres élèves et que les professeurs feignaient d’ignorer.
Je n’avais pas d’amis et lorsque j’en discutais avec mes parents, ils me disaient de laisser couler, que ce serait bientôt du passé, mais cela n’a pas été le cas.
Après l’école, pour oublier mes souffrances, je descendais directement au sous-sol. Je faisais jouer les disques de jazz de mon père et j’inventais des chansons à partir de ce qui m’était arrivé dans la journée en m’imaginant chanter dans un stade avec des fans à mes pieds. Là, je trouvais la paix. Là, j’ai trouvé ma voix.
Un samedi matin, une quarantaine de mes intimidateurs sont venus audacieusement se présenter à notre porte arrière. Ma mère était en état de choc. Elle m’a demandé ce qui se passait. Je lui ai répondu : « Ne t’en fais pas, je m’en occupe ». Je les ai tous fait asseoir et je leur ai donné un spectacle d’une demi-heure. Lorsque j’ai commencé à chanter, j’ai vu leurs figures changer, et lorsqu’ils ont commencé à accompagner mes chansons et à y réagir, j’ai réalisé tout le pouvoir que possède la musique pour éveiller l’esprit et changer les cœurs.
À la sortie, je leur ai demandé de petites choses en échange de mon concert, des barres de chocolat et de l’aide ou des réponses pour les devoirs. Ce jour-là, j’ai découvert ce qu’était l’industrie de la musique.
Lorsque j’étais enfant, il y a eu des nuits où je pleurais au pied de mon lit, demandant au Créateur : « Qu’est-ce que je fais ici ? Pourquoi suis-je là ? »
Un jour, un élève du voisinage m’a dit que ce n’était pas seulement parce que j’étais noire qu’on me détestait, mais aussi parce que j’avais été adoptée.
J’ai couru à la maison et j’ai immédiatement demandé à ma mère : « Suis-je une enfant adoptée ? » « Oui », m’a-t-elle répondu. « Qu’est-ce que cela signifie ? », ai-je continué.
Ma mère m’a alors expliqué que j’étais l’enfant de quelqu’un d’autre, mais qu’ils avaient pris en charge la tâche de m’aimer en tant que parents. À ce moment-là, j’ai eu l’impression que tout s’écroulait. Tout n’était que mensonges et j’ai dit à ma mère que je voulais m’en aller. Des arrangements furent pris pour que j’aille dormir à l’appartement de ma sœur jusqu’au lundi suivant. Dans mon esprit, j’étais enfin libre !
Le voyage en autobus jusqu’à Toronto a été pour moi, un véritable émerveillement. Alors que nous entrions dans le secteur du Grand Toronto, j’ai vu, pour la première fois ailleurs qu’à la télévision, des gens qui me ressemblaient. J’étais euphorique. Dès mon arrivée à l’appartement de ma sœur, je suis directement allée à la piscine où j’ai chanté ma toute nouvelle indépendance.
C’est là qu’un homme du nom de Norman, qui se trouvait dans le stationnement souterrain, m’a entendue et il m’a immédiatement emmenée passer une audition pour un groupe qui avait besoin d’une chanteuse. J’ai été engagée sur le champ. Nous avons tous sauté dans une camionnette et, 12 heures plus tard, je chantais en première partie du spectacle de Bob Marley au Madison Square Gardens. Je ne suis retournée à Peterborough que 4 ans plus tard.
J’ai donné des spectacles partout au Canada et à travers le monde. J’ai rencontré des milliers de personnes et j’ai de nouveau perçu tout le pouvoir de la musique et son impact, même sur des gens qui ne parlent pas la même langue. De même, j’ai pris conscience de mes responsabilités en tant qu’artiste et de l’impact positif que ma carrière peut avoir sur les autres.
Je n’ai pas fait cela pour la gloire ou la fortune, mais pour les autres qui ont besoin de savoir et d’entendre qu’ils ne sont pas seuls au monde à vivre ce qu’ils vivent, peu importe ce qu’ils vivent.
J’ai compris les plans du Créateur pour ma vie et le processus de guérison qui en fait partie. J’ai compris le cadeau que m’avaient fait mes parents en me donnant une famille, leur amour inconditionnel et leur patience, et je les ai remerciés de m’avoir aimée, de m’avoir soutenue dans mon rêve et de m’avoir laissée partir.
Le Créateur m’a forgée dans le feu pour me rendre plus forte, pour me préparer au chemin que je devais suivre pour donner un sens à ma vie.
Connais-toi toi-même et sache que tu es divin. Peterborough est un endroit que je n’oublierais jamais et je suis sûre que Peterborough ne m’oubliera jamais. Pour moi, c’est tout simplement de l’ordre du divin.