Par Shari Golberg
Shari Golberg est titulaire d’un doctorat en religion de l’université de Toronto et d’une M.A. en études religieuses de la Hebrew University de Jérusalem. Shari a donné de nombreux cours sur le thème du genre et de la religiosité, autant dans les organismes communautaires que dans le cadre universitaire, y compris au Huron College et à l’université de Toronto. Shari organise et coordonne également le projet Shema & Iqra' : The Jewish-Muslim Text Project, une initiative locale qui réunit les communautés arabes et juives et utilise des textes religieux classiques comme tremplin pour établir le dialogue et explorer des sujets de préoccupation mutuelle, dont la parité des sexes chez les dirigeants religieux, l’éthique environnementale et l’expression créatrice. Récemment, elle a été directrice de projet pour Blood, Milk, and Tears, un cours et un regroupement artistique explorant la relation entre l’art, le genre, l’incarnation et l’identité de la femme dans les textes et les communautés juives et musulmanes. Entre 2015 et 2016, Shari a animé des ateliers à la Fondation canadienne des relations raciales visant à aider les défenseurs de la diversité et de l’intégration à traiter les situations problématiques liées à la foi sur leur lieu de travail et dans leurs communautés.
Shari est née à Toronto et a grandi dans une famille juive ashkénaze traditionnelle. Le yiddish était la langue maternelle, tant du côté de la mère que de celui du père, et la famille fréquentait régulièrement la synagogue. Bien que ses grands-parents paternels fussent nés à Montréal, ses grands-parents maternels étaient des survivants de l’Holocauste (de Pologne et de Lituanie), ainsi, dès son plus jeune âge, des mots comme « Kristalnacht », « ghetto » et « déportation » ont fait partie de son vocabulaire. Les récits de ses grands-parents sur la façon dont ils avaient survécu l’ont beaucoup marquée. À 12 ans, elle a commencé à découper des articles traitant d’initiatives visant à combattre le racisme, en ayant la conviction qu’il s’agissait d’un travail sacré. Jeune fille, elle comprenait déjà que « jamais plus » signifiait « jamais plus pour qui que ce soit ».
Devenue adulte, Shari a vécu à Jérusalem pendant trois ans, d’abord de 1993 à 1994, comme simple visiteuse, puis de 1998 à 2000 pour faire sa maîtrise en religion. Pendant cette période, elle a approfondi ses connaissances en judaïsme et amélioré son hébreu, mais elle a également commencé à étudier l’Islam et a appris l’arabe, se reposant sur l’idée que si elle devait continuer à vivre là-bas, il était important qu’elle puisse communiquer avec ses voisins dans leur propre langue. Elle a profité de l’occasion qui lui était donnée pour visiter différentes synagogues et communautés juives, mais également des églises, des mosquées et des communautés arabes. Elle s’est également impliquée dans différents projets militants où se retrouvaient des Juifs et des Arabes, dont un programme de tutorat pour les enfants palestiniens et un groupe de dialogue destiné aux femmes. Si elle a participé à ces projets, c’est qu’elle s’est rendu compte que, même en ayant grandi dans un milieu progressiste de Toronto, elle conservait certains préjugés dont elle voulait se débarrasser.
De retour à Toronto, elle désirait continuer à militer et poursuivre le dialogue qu’elle avait amorcé à Jérusalem. Elle a rejoint un groupe de dialogue Palestiniens-Juifs, mais l’expérience a été décevante. Les discussions se résumaient le plus souvent à des hurlements que se lançaient mutuellement les participants mâles les plus en voix. Elle a remarqué que ce n’était pas tant que les femmes n’avaient rien à dire, mais que ces hommes aux opinions trop arrêtées les empêchaient souvent de s’exprimer. Elle a été également frappée par le fait que la seule chose qui unissait beaucoup de ces gens était la notion de conflit. Même chez ceux qui étaient ouverts à la discussion, le dialogue semblait toujours dégénérer en bataille rangée, et personne n’en retirait rien. C’est alors qu’elle a décidé de créer un espace sûr pour les femmes juives et musulmanes afin de discuter des situations problématiques liées au genre dans le judaïsme et l’islamisme.
Par l’intermédiaire de ses réseaux personnels, elle a diffusé le message du projet, et lors de la première réunion, vingt femmes – dix juives et dix musulmanes — se sont présentées chez elle. Cela l’a convaincue que le besoin était grand à Toronto pour une telle initiative. Ces réunions vont se dérouler de 2003 à 2009 dans les résidences de femmes du Grand Toronto, et donneront naissance au projet « Shema & Iqra’: The Jewish-Muslim Text Project ». Tout le travail de Shari – que ce soit dans le cadre universitaire, dans le secteur public ou dans les organismes communautaires – vise à amorcer un dialogue nuancé sur l’identité religieuse et sur la façon dont celle-ci s’entrecroise avec les engagements politiques, civiques et ethnoculturels. Shari a le bonheur de partager sa vie avec un merveilleux conjoint et deux enfants fantastiques et possède un incroyable réseau de soutien qui lui permet de faire son travail, dont des parents, des parents par alliance, des frères, des sœurs, des beaux-frères et belles-sœurs, ainsi que des amis de longue date qui viennent l’appuyer au besoin