Par Heather Dietrich
Toute personne passionnée de dates et d'histoire se souviendra peut-être qu'en 1922, les premiers programmes de radiodiffusion depuis l'Angleterre font leur apparition grâce à Marconi, et que la British Broadcasting Corp. (BBC) voit le jour. Cette même année, 14 républiques décident de former l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS). En 1922, un autre événement moins connu, mais d'une grande importance sur le plan historique, a également eu lieu. Il s'agit de l'histoire d'une femme d'une région rurale de la Nouvelle-Écosse et du destin de plus de 5 000 orphelins arméniens.
Voici l'histoire de Sara Corning.
Mme Corning est née en 1872 à Chegoggin, dans le comté de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse. Après avoir obtenu son diplôme d'études secondaires, elle se rend dans l'État du New Hampshire pour poursuivre ses études en soins infirmiers, un geste courageux pour une jeune femme de cette époque.
En décembre 1917, elle entend parler de l'explosion de Halifax et se rend immédiatement sur place pour prêter secours.
Peu de temps après, Mme Corning se joint à la Croix-Rouge américaine et est finalement affectée au Near East Relief [Secours pour le Proche-Orient] pour fournir des services humanitaires aux Arméniens massacrés par les Turcs ottomans.
En 1922, Mme Corning se rend au siège social du Near East Relief à Constantinople (maintenant connue sous le nom d'Istanbul), en Turquie. De là, la femme de 50 ans est envoyée dans la capitale arménienne afin d'être responsable d'un orphelinat. Elle travaille également dans les camps de réfugiés.
Vers la fin de l'année 1922, elle est en poste sur la côte d'Izmir (anciennement Smyrne), une ville caractérisée par les catastrophes et le chaos. Mme Corning racontera plus tard dans le Kimball Union Alumni Bulletin : « L'armée turque prenait d'assaut la ville à notre arrivée. L'endroit débordait de nombreux réfugiés malades. Nous y avons ouvert une clinique pour prendre soin d'eux du mieux possible, mais les soldats ont fermé la clinique peu de temps après. »
Elle y raconte les pillages, la ville incendiée et le nombre de réfugiés qui ont sauté dans le port et se sont noyés plutôt que de mourir brûlés vifs.
À ses risques et périls, Mme Corning rassemble les enfants de l'orphelinat de la ville et les fait traverser la ville en flammes jusqu'à ce qu'ils trouvent refuge dans un navire américain, lequel les conduira à Constantinople. Elle fondera par la suite un orphelinat pour ces enfants sur l'île de Syros, en Grèce.
En juin 1923, Mme Corning est invitée à Athènes, où elle se voit décerner l'Ordre des Chevaliers de Saint-Xavier pour son courage et sa bravoure par le roi George II de Grèce.
L'année suivante, Mme Corning retourne en Turquie, où elle continue de travailler et de prendre soin des orphelins. Elle adopte également cinq enfants. Bien que ces derniers n'aient pas toujours vécu avec elle, elle a contribué à leur bien-être et à leur éducation.
Avançons jusqu'au 21 avril 2004, lorsque le Parlement canadien adopte la motion M380 reconnaissant la mort de plus de 1,5 million d'Arméniens de 1915 à 1923 dans le cadre du génocide.
Plus tôt ce même mois, sa Sainteté Karekin ll, Patriarche suprême et Catholicos de tous les Arméniens, publie une déclaration intitulée « Message de bénédiction », lequel inclut un hommage à Mme Corning.
Le message mentionnait notamment : « Le nom de la philanthrope Sara Corning, aujourd'hui décédée, est très précieux pour les Arméniens vivant aux quatre coins du monde. Nous tenons à exprimer notre immense gratitude envers ses efforts à sauver plusieurs milliers de ses compatriotes vivant en Turquie… ils ont été sauvés grâce au travail humanitaire indéfectible de Mme Sara Corning. »
Après sa retraite, Mme Corning est retournée vivre dans sa maison d'enfance. Elle est décédée en 1969. Sur sa pierre tombale au cimetière de l'église baptiste de Chegoggin on peut y lire : Elle a vécu pour servir.
Bien que Sara Corning ne soit pas un nom connu en Nouvelle-Écosse, il est bien connu au sein de la communauté arménienne du Canada. En septembre 2012, le Sara Corning Centre for Genocide Education [Centre Sara Corning pour l'éducation sur le génocide] a ouvert ses portes à Toronto.
Photos gracieuseté de Yarmouth County Museum / The Chronicle Herald. Article reproduit avec l'autorisation de Sandra Phinney.
Ressources :(en anglais seulement)
Sara Corning, a 20th-century heroine (Original article)