Par Aisha Alfa
Il y a quelques années, une coéquipière au soccer m’a demandé : « Comment puis-je te nommer? » J’étais troublée. Je m’appelle Aisha, et elle connaissait mon nom. Mais ce qu’elle voulait dire, c’était : « Quel mot puis-je utiliser pour nommer ta couleur? Es-tu Noire? Mulâtre? Est-ce offensant de t’appeler ainsi? » Je lui ai répondu : « Appelle-moi Aisha et si quelqu’un te demande de quelle Aisha il s’agit, dis-lui, la sœur d’Ismaila. »
Je ne suis pas Noire. Cela peut sembler étrange à quelqu’un qui me regarde parce que mes cheveux sont crépus, mon nez est épaté et ma peau est riche en mélanine. Mais ce que je veux dire, c’est que je ne m’identifie pas à une personne Noire, d’abord parce que ma composition ethnique est aussi Blanche que Noire (à moitié pour être exacte), mais surtout parce que je n’aime pas être catégorisée comme Noire. Je ne suis pas une couleur. Je suis pour moitié Nigérianne, un quart Française et un quart Anglaise. Je suis née d’une mère qui est née et a grandi au Canada et d’un père qui est né et a grandi au Nigéria. Chacun d’eux est porteur d’expériences et d’idées qui leur sont propres.
Ce mois-ci pourtant, chacun va célébrer l’histoire des Noirs et j’en ferai partie. C’est super parce que j’aime les fêtes, mais honnêtement, le mois de l’histoire des Noirs m’a toujours semblé une commémoration un peu étrange pour les Canadiens. La culture Noire au Canada n’a rien à voir avec la culture Noire aux États-Unis où, pour les citoyens dont les ancêtres étaient des esclaves, les liens avec le pays ou les tribus ont été perdus. L’histoire des Noirs au Canada n’a pas du tout la même portée.
Lorsque j’étais enfant, je me souviens avoir dansé au pavillon Afro-Caribéen du Folklorama de Winnipeg (le plus vieux festival multiculturel au monde). Je me souviens avoir dansé sur scène dans mon costume aux couleurs chatoyantes et avoir aidé le danseur de limbo à allumer son bâton de flammes avant qu’il n’exécute des mouvements à faire pâlir de jalousie Keanu dans « La matrice ». J’ai alors pensé : je ne me souviens pas avoir jamais vu cela au Niger. Qu’y a-t-il ici qui fait partie de moi? De ma culture? Il n’y avait rien. Rien dans le spectacle n’était consacré au Nigéria. En fait, un festival à lui seul n’arriverait sans doute même pas à englober toutes les cultures africaines et caribéennes existantes.
Les Canadiens d’origine Noire sont issus de nombreux pays aux cultures et aux histoires toutes différentes, et c’est cela qui façonne notre pays. Nous ne pouvons pas faire correspondre toutes les personnes Noires du Canada à une seule histoire. Être Noir, ce n’est pas être un habitant d’un seul et unique pays. Nous venons tous d’un endroit différent et nous apportons ici notre propre vision des choses pour la partager. Je suis une citoyenne canadienne née de parents immigrants venant de pays différents, aux traditions différentes, aux habitudes différentes, aux religions et aux coutumes différentes. C’est cela qui me distingue.
Je ne suis ni Blanche Ni noire. Je ne suis pas une couleur. Je suis une jeune femme heureuse, authentique, vulnérable, honnête, amusante, forte, intelligente et énergique qui a des parents extraordinaires et une super coiffure afro. Je rends grâce à tout ce que je suis et à tous les endroits d’où je viens. J’aime la couleur de ma peau, mes cheveux, mon nez, mes taches de rousseur, tout ce que je suis. J’aime la pastèque, le poulet frit et le Kool-Aid aux raisins, est-ce que cela fait de moi une Noire? Non bien sûr, parce que, regardons les choses en face... qui n’aime pas ces choses? C’est tout simplement délicieux! De plus, au Canada, nous venons tous d’ailleurs, sauf les membres des Premières Nations. Tous les jours, nous devrions honorer ce que nous sommes, ce que sont les autres et les endroits d’où nous venons. Nous faisons tous partie de l’histoire du Canada et nous méritons tous que notre contribution soit reconnue et honorée.
Unis: Le sommet pancanadien sur l'inclusion raciale (en anglais seulement)
Des histoires de courage pour souligner le Mois de l’histoire des Noirs
De Happy Hill jusqu'à la Colline du parlement
L'histoire méconnue de Viola Desmond : la ségrégation raciale au Canada